L'approche régionale de préservation du milieu marin : l'expérience des "mers régionales"
Si le cadre global peut établir des principes communs pour la gestion des océans, il apparaît nécessaire d'adopter des mesures spécifiques, adaptées à la nature et à l'intensité des menaces pesant sur les différentes régions du globe. C'est sur ce fondement de la différenciation des actions que se sont développéesà partir des années 1970 les systèmes de protection des mers régionales.
Comme le déclarait le délégué brésilien Amado lors de la 2e Conférence des Nations unies sur le droit de la mer, " il n'y a pas deux mers identiques [...]. Par conséquent, il n'est pas facile, et il ne l'a jamais été, de résoudre les problèmes au moyen d'une formule universelle unique ". Comment envisager en effet qu'une même convention internationale ou qu'un même programme d'actions puisse à la fois lutter contre le blanchissement des coraux aux Philippines, réguler l'exploitation du pétrole en Arctique, conserver le phoque moine en Méditerranée et gérer le problème des macro-déchets sur les côtes hawaïennes ? Si le cadre global peut établir des principes communs pour la gestion des mers et des océans, il apparaît nécessaire d'adopter des mesures spécifiques, adaptées à la nature et à l'intensité des menaces pesant sur les différentes régions du globe. C'est sur ce fondement de la nécessaire différenciation des actions que se sont développées les approches régionales de gestion du milieu marin. Comme pour le cadre global, les initiatives ont été plurielles et fragmentées. Au lendemain de la Seconde Guerre mondiale se sont d'abord développées, sous l'impulsion de la FAO, des organisations régionales de pêche (ORP) chargées de la gestion des ressources dans des régions marines identifiées. À partir du milieu des années 1970 et sous l'impulsion du PNUE cette fois, sont créés des systèmes de gouvernance régionale pour la préservation de l'environnement marin, sur lesquels nous concentrerons ici notre analyse. En Méditerranée, Baltique, Pacifique ou en Asie de l'Est, les " mers régionales " se sont ainsi multipliées, créant une nouvelle échelle de gestion des problématiques marines, entre l'approche nationale traditionnelle et le cadre global émergent. Nous proposons ici de dresser un bilan de ces expériences, en mettant en lumière les bénéfices induits pour le milieu marin, leur limite par rapport aux autres échelles d'actions et en dressant enfin quelques perspectives pour leur futur développement.
Émergence et diffusion du modèle " mers régionales "
La régionalisation du droit international de l'environnement marin constitue l'un des événements majeurs de ces dernières décennies. Inspirée par le Plan d'action issu de la Conférence de Stockholm de 1972, l'approche régionale de préservation du milieu marin se voit consacrée en 1974 à travers la création du programme " Mers régionales " du PNUE, conçu comme un programme d'actions centrées non seulement sur les conséquences mais également les causes des dégradations environnementales [UNEP, 1982]. L'adoption en 1982 d'un cadre universel de gestion des espaces et des ressources marines n'a pas rendu caduc le développement de ces initiatives : la Convention des Nations unies sur le droit de la mer (CNUDM) encourage même cette approche en matière de protection des écosystèmes et engage les États à coopérer " [...] pour protéger et préserver le milieu marin, compte tenu des particularités régionales " [CNUDM, 1982, article 197].
À partir des années 1970, cette approche régionale connaît un succès important, comme en témoignent l'emprise spatiale des " mers régionales " aujourd'hui instituées et le nombre d'États - plus d'une centaine - impliqués dans ces initiatives. Alors que l'approche a été largement promue et soutenue par le PNUE, menant par exemple à la création des systèmes Méditerranée (1975), Caraïbes (1981) ou océan Indien occidental (1981), d'autres cadres régionaux se sont développés indépendamment, en mer Baltique (1974), en Atlantique du Nord-Est (1992) ou en mer Caspienne (2003) par exemple. Certains auteurs ont pu considérer que les deux démarches relevaient de philosophies différentes : les initiatives régionales liées au PNUE tendraient ainsi à considérer les systèmes régionaux comme un moyen de faire progresser la coopération internationale, alors que les cadres constitués hors PNUE n'auraient pas nécessairement cette perspective globale [Alhéritière, 1982]. Néanmoins, ces systèmes, rattachés ou non au PNUE, procèdent selon nous d'une démarche largement similaire dans la préservation des écosystèmes régionaux : ils déclinent et approfondissent régionalement des engagements adoptés à échelle globale.
L'architecture classique promue par le PNUE comprend traditionnellement l'adoption d'une convention cadre et de protocoles sectoriels. La Convention, " clef de voûte de l'action " [Dejeant-Pons, 1987], contient le plus souvent des dispositions générales, fixant une ligne générale de conduite que les États doivent respecter. Toutefois, l'énumération de principes, aussi importants soient-ils, n'étant pas suffisant, les parties s'engagent à négocier ultérieurement des accords spécifiques pour mettre en œuvre ces dispositions générales dans différents domaines. C'est le modèle sur lequel se sont construits les systèmes régionaux Méditerranée, Caraïbes, Afrique de l'Ouest, océan Indien occidental et Pacifique du Sud-Est notamment. D'autres systèmes, comme en Asie de l'Est, sont fondés quant à eux, non sur une articulation Convention / Protocoles sectoriels, mais sur une complémentarité Plan d'action / Activités spécifiques. À cet égard, on peut observer depuis les années 1970 une évolution du champ thématique des protocoles et activités spécifiques promus à l'échelle régionale, évolution d'ailleurs sensiblement parallèle à celle qu'ont connue les instruments globaux de protection de l'environnement [Bodansky, 2010] : d'une approche axée sur la lutte contre la pollution du milieu marin - par les navires d'une part, par les activités terrestres d'autre part - la coopération régionale a progressivement embrassé le champ de la préservation de la biodiversité -, par l'institution d'aires marines protégées notamment - avant de tendre, plus récemment et de manière encore limitée, vers des objectifs plus larges de mise en œuvre du développement durable. À cet égard, l'adoption en 2008 du Protocole sur la gestion intégrée des zones côtières (GIZC) en Méditerranée, dont l'objectif vise tout à la fois la préservation de la biodiversité et le développement des activités côtières, marque sans doute le début de cette nouvelle étape.
La structure institutionnelle des systèmes régionaux est, quant à elle, très variable d'une région à une autre. Elle peut être particulièrement légère, composée a minima d'un secrétariat, ou beaucoup plus étoffée, comprenant également des centres d'activités régionales (CAR) chargés de mener des actions dans des domaines spécifiques (lutte contre la pollution tellurique, inventaire des habitats marins vulnérables, études prospectives...). Ces différences, qui s'expliquent à la fois par le nombre d'États impliqués, le dynamisme de la coopération, l'ancienneté de son cadre et l'importance des financements pour le faire vivre, ont des conséquences importantes sur la nature des activités des systèmes régionaux. De fait, la coopération sera d'autant plus régulière et soutenue que la structure permettra de maintenir un lien entre les États, d'engager de nouvelles étapes dans la coopération et de fournir l'assistance technique nécessaire à la mise en œuvre des obligations adoptées.
Fruit d'une trentaine d'années de coopération, le Plan d'action pour la Méditerranée (PAM) dispose de l'un des cadres institutionnels les plus étoffés. Basée à Athènes, l'Unité de coordination constitue le centre névralgique du PAM, assurant notamment la coordination des six CAR, chacun spécialisé dans un domaine-clef pour le Bassin méditerranéen. Le dispositif est complété par le Programme MEDPOL, axé sur la surveillance continue de la pollution, et par la Commission méditerranéenne du développement durable (CMDD), instance de dialogue et de propositions comprenant à la fois des représentants des parties contractantes et de la société civile. Enfin, un Comité de respect des obligations a été institué en 2008 afin de contrôler le respect par les États des obligations juridiques adoptées à travers la Convention et ses protocoles. Outre les moments déterminants ponctués par l'adoption d'instruments juridiques ou de déclarations politiques, le dynamisme du système régional se manifeste presque quotidiennement à travers les activités de ses organes permanents. L'organisation de conférences et d'ateliers de travail, la publication de rapports thématiques, l'assistance technique assurée aux États permettent de tisser un lien quasi-permanent entre les acteurs de la préservation du milieu marin méditerranéen.
Plus près, plus loin, plus vite
L'objectif des programmes " Mers régionales " est à la fois simple et ambitieux : il s'agit d'associer l'ensemble des États riverains d'un écosystème marin pour y mener des actions concertées. Ces cadres comportent plusieurs intérêts pour l'action environnementale, que l'on peut résumer en ces termes : " plus près, plus loin, plus vite ".
En premier lieu, l'approche régionale permet de prendre en considération la spécificité des écosystèmes marins en leur appliquant un régime juridique et un mode de gestion adaptés : au-delà de la seule proclamation de principes généraux, elle permet ainsi de lutter contre les menaces pesant spécifiquement sur une région marine, qu'il s'agisse de déversements d'hydrocarbures par les navires ou de rejets d'eaux urbaines provenant des activités terrestres. Les actions sont donc utilement différenciées et axées autour des sources de pollution les plus importantes ou les écosystèmes les plus menacés. À titre d'exemple, les États riverains de la mer Baltique accordent depuis plusieurs années une attention particulière à la lutte contre l'eutrophisation des eaux, particulièrement importante dans cette partie du monde
En second lieu, le régime établi par les systèmes régionaux dépasse parfois les exigences de protection environnementale requises par les instruments universels et l'écosystème régional s'en trouve donc davantage préservé. La question du démantèlement des plates-formes pétrolières off shore en Atlantique du Nord-Est, région régie par la Commission OSPAR, offre une illustration exemplaire des avancées juridiques que peut impulser un système régional. En 1995, le gouvernement britannique autorise ainsi la société Shell à procéder à l'immersion au large de l'Écosse de la plate-forme pétrolière Brent Spar. Instrument juridique applicable, la Convention internationale sur la prévention de la pollution des mers résultant de l'immersion de déchets
L'institution de cadres régionaux permet par ailleurs de créer un sentiment de partage d'un même écosystème, que les États considèrent alors comme " région partagée
Enfin, et plus largement, l'approche régionale assure la création de cadres de coopération dans lesquels des actions peuvent être plus facilement menées qu'à l'échelle globale, où les négociations sont rendues complexes par la pluralité et la diversité des intérêts en jeu. Alors que les discussions sur le statut juridique et les moyens de préservation de la biodiversité en haute mer sont largement bloquées par un clivage Nord/Sud [Le Courrier de la Planète, 2008], le système méditerranéen a de son côté adopté en 1995 un Protocole autorisant la création d'aires protégées au-delà des zones de juridiction nationale
Des limites intrinsèques
L'approche régionale, reflet de la fragmentation du cadre international de gouvernance des océans
Si les mers régionales ont pour objectif la préservation du milieu marin, certains secteurs stratégiques restent pourtant en dehors du champ de coopération. Ainsi la gestion des pêches n'entre-t-elle pas dans le mandat des mers régionales. C'est là une illustration de la fragmentation du cadre international de gouvernance des océans : si la protection du milieu marin relève d'abord du PNUE, la mise en place de règles techniques, économiques et juridiques de réglementation des pêches s'inscrit quant à elle dans le mandat de la FAO et de ses déclinaisons régionales. Comme nous l'avons relevé dès l'introduction, on observe dès lors une superposition de deux types de structures régionales : les mers régionales d'une part, les organisations régionales de pêche (ORP) d'autre part. En théorie, l'objectif d'une préservation de la biodiversité marine, sous toutes ces formes, constitue le lien naturel entre ces deux types d'institution. Néanmoins, au sein de ces deux enceintes, les négociations entre États et les décisions qui en résultent procèdent parfois de logiques différentes. Dans le cadre des ORP en effet, on observe que de nombreux États cherchent d'abord à maintenir, ou à réduire le moins possible, le volume de captures octroyé à leurs pêcheurs nationaux. Le plus souvent, les négociations sont d'ailleurs menées par des experts du ministère chargé de la Pêche et non par ceux de l'administration en charge de l'Environnement : de fait, l'approche n'est donc pas exclusivement environnementale, loin s'en faut. Certes, des mesures en faveur de la biodiversité marine peuvent être adoptées dans le cadre des ORP, par l'interdiction de certaines pratiques de pêche (filets maillants dérivants, chalutage profond) ou la fermeture de zones de reproduction par exemple. Néanmoins, force est de constater que ces organisations régionales, et donc les États qui les composent, n'ont pas réussi à enrayer la surexploitation des ressources. Un seul chiffre suffit à l'illustrer : 75 % des stocks sont actuellement pleinement exploités ou surexploités [FAO, 2008]. Par conséquent, la plupart des écosystèmes régionaux continue de souffrir d'une surexploitation des ressources halieutiques que les mers régionales elles-mêmes, faute de compétence en la matière, ne peuvent enrayer. À titre d'exemple, le PAM, mer régionale, ne peut intervenir dans la gestion des stocks de thons rouges qui dépend d'une ORP, la Commission pour la conservation des thonidés de l'Atlantique
De la même manière, les problématiques relatives à la réglementation de la navigation internationale n'entrent que marginalement dans le champ de compétence des systèmes régionaux. Si les États riverains d'une mer régionale peuvent établir des règles pour lutter contre la pollution par hydrocarbure par exemple, il leur est impossible de suspendre ou d'interdire unilatéralement la navigation, même dans des zones exposées à un risque important. Dans l'hypothèse où ces États souhaiteraient encadrer davantage la circulation des navires, pour assurer une meilleure sécurité de la navigation par exemple, l'Organisation maritime internationale (OMI) doit être sollicitée à cette fin. Il s'agit là d'une nouvelle illustration de la fragmentation du droit et des institutions régissant le milieu marin. Or, ce cloisonnement des compétences et des autorités peut parfois poser des difficultés importantes, notamment dans la conciliation entre respect de la liberté de navigation et protection de l'environnement. La situation du détroit des Bouches de Bonifacio illustre ainsi parfaitement la complexité d'établir un régime de protection renforcée des écosystèmes, tout en assurant la liberté du commerce international garantie par l'OMI. Séparant la Corse de la Sardaigne, les Bouches de Bonifacio constituent un milieu particulièrement riche du point de vue écologique. En tant que détroit servant à la navigation internationale, cet espace s'affirme également comme une voie de circulation incontournable pour accéder, depuis Barcelone et les ports français de la Méditerranée, aux ports italiens du Sud (Naples, Palerme, Gioa Tauro...) ainsi qu'à la route du canal de Suez. Une telle position géographique expose naturellement la zone à un trafic maritime intense et à des risques indéniables pour le milieu naturel. Dès le début des années 1990, les autorités françaises et italiennes s'inquiètent de ces risques engendrés par la croissance de la navigation. En 1996, le Fénes, cargo battant pavillon panaméen, s'échoue à proximité de la réserve naturelle des Lavezzi, laissant échapper de ses cales éventrées une partie des 2 600 tonnes de céréales qu'il transporte, brûlant ainsi la flore sous-marine et particulièrement les herbiers de Posidonie, refuge et réserve alimentaire pour de nombreuses espèces marines. Les détroits servant à la navigation internationale sont soumis à un régime juridique spécifique, déterminé par la CNUDM
Une approche qui ne peut se substitueraux négociations globales
Il convient enfin de souligner que, dans certaines hypothèses, l'approche régionale ne peut se substituer aux négociations globales. En effet, comme l'ont déjà relevé certains auteurs [Friedheim, 1999], il existe des problématiques pour lesquelles la seule prise en charge à échelle bilatérale ou régionale est trop limitée pour apporter une solution satisfaisante et durable. À titre d'exemple, la question du statut juridique de la biodiversité en haute mer, objet d'un clivage doctrinal important
Des défis à relever
S'ouvrir à de nouveaux espaces
Si le champ d'intervention spatiale des mers régionales est longtemps resté cantonné aux mers territoriales et zones économiques exclusives des États, on observe depuis peu une extension du champ de la coopération à de nouveaux espaces. Ainsi le Protocole relatif aux aires spécialement protégées et à la diversité biologique en Méditerranée offre-t-il la possibilité d'instituer des aires marines protégées dans les espaces marins situés au-delà des juridictions nationales. Une telle opportunité permet de renforcer la protection d'écosystèmes et d'espèces vulnérables jusque-là exclus des initiatives régionales.
De la même manière, la Méditerranée s'est récemment dotée d'un instrument juridique visant à couvrir un " trou noir " de la régulation régionale : la zone côtière. Cherchant à établir " un cadre commun pour la gestion intégrée des zones côtières de la mer Méditerranée ", le texte impose notamment la préservation des écosystèmes côtiers, l'encadrement des activités de bord de mer, la planification stratégique des littoraux ou encore la prise en compte des risques dans les politiques littorales. Au-delà du système méditerranéen, il nous semble nécessaire que d'autres systèmes régionaux étudient la faisabilité - politique, juridique - et la pertinence - scientifique, géographique - de s'engager dans la préservation de ces espaces trop longtemps exclus du champ de coopération
Réguler de nouveaux enjeux
Les mers régionales constituent un cadre pertinent pour combler les vides de la réglementation internationale ou prendre en charge des problématiques émergentes. C'est notamment vers ces perspectives que les systèmes régionaux devraient se tourner lors des prochaines années.
À cet égard, l'encadrement de l'extraction pétrolière off shore apparaît sans nul doute comme un domaine dans lequel la coopération régionale peut progresser. L'explosion, le 20 avril 2010, de la plateforme pétrolière Deepwater Horizon, située à 70 kilomètres au large de la Nouvelle-Orléans, a en effet rappelé de manière tragique la dépendance de la communauté internationale aux énergies fossiles en général et à leur exploitation en mer en particulier. De nombreux experts ont alors relevé l'absence d'une réglementation internationale suffisante pour faire face aux risques posés par ces activités d'extraction en eaux profondes. En effet, si la CNUDM reconnaît le droit d'exploiter les ressources du plateau continental [CNUDM, Partie vi], les États accordent aux firmes internationales des autorisations d'exploitation selon leur propre législation interne. Cette situation invite incontestablement à questionner la pertinence de ce régime et à étudier la faisabilité d'une coopération régionale renforcée. Dans l'attente d'une hypothétique prise en charge de cet enjeu par la communauté internationale toute entière, les mers régionales pourraient ainsi utilement investir cette problématique et adopter les nécessaires mécanismes de régulation de cette activité. Si la Méditerranée a adopté en 1994 un Protocole spécifique
Par ailleurs, il nous semble que d'autres enjeux, émergents cette fois, mériteraient également une plus forte implication des systèmes de protection des mers régionales. C'est le cas, par exemple, des dommages causées à la biodiversité marine par la pollution acoustique [Papanicolopulu, 2008] ou encore le besoin d'adaptation des zones côtières au changement climatique, problématique qui commence seulement à être traitée, de manière incidente, à travers la gestion intégrée des zones côtières [Rochette et alii, 2010].
Renforcer la coopération institutionnelle
L'absence d'une gouvernance globale des océans rend aujourd'hui particulièrement nécessaire la mise en place d'une coordination entre les institutions compétentes sur le milieu marin. À titre d'exemple, il n'existe actuellement aucune instance internationale dédiée à la création d'aires marines protégées en haute mer, ce qui impose des actions conjointes de l'OMI, des ORP et des mers régionales notamment : il faut ainsi multiplier les " strates " pour aboutir à une protection intégrée et prendre ainsi en compte l'ensemble des menaces pesant sur un écosystème vulnérable. Des actions pour une meilleure coordination entre institutions sont en cours. La Commission OSPAR travaille actuellement aux côtés de la Commission des pêches pour l'Atlantique Nord-Est, de l'OMI et de l'Autorité internationale des fonds marins, notamment, pour l'élaboration de plans de gestion d'aires marines protégées nouvellement instituées. Néanmoins, cette initiative apparaît isolée et de nombreux efforts de coordination restent à fournir, non seulement pour mutualiser les connaissances sur l'écosystème régional mais également pour adopter des mesures de gestion concertée.
Consolider les cadres de coopération
Certains auteurs ont pu considérer que les mers régionales s'apparentaient parfois à des mécanismes de " coopération sans mise en œuvre " [Kutting, 1994]. Au-delà des importantes avancées qui ont été permises par les mers régionales, il convient en effet de reconnaitre que trop de conventions et de protocoles ont été, et demeurent parfois, en sommeil, faute de dynamisme de la coopération régionale. Dans l'océan Indien occidental par exemple, le système régional a connu ces dernières années de nombreuses difficultés de fonctionnement. Le Secrétariat de la Convention reste en effet pauvre en moyens humains et la région ne dispose d'aucun centre d'activités régionales, comme c'est le cas par exemple en Méditerranée. L'animation quotidienne de la Convention, l'assistance technique et l'appui à la mise en œuvre des protocoles sont donc restés limités. Une situation similaire peut d'ailleurs être observée dans d'autres systèmes régionaux, comme en Afrique de l'Ouest par exemple. Redynamiser les systèmes en sommeil passera nécessairement par un renforcement de leur financement : il s'agira ainsi, a minima, de rendre davantage opérationnels les secrétariats, voire de créer des centres d'activités régionales afin d'assurer une meilleure animation de la coopération régionale.
Dans les systèmes les plus avancés, le renforcement passera sans nul doute par un meilleur contrôle du respect des obligations. Cela exige tout d'abord que les États veillent à fournir régulièrement au Secrétariat un état des lieux des mesures nationales visant à mettre en œuvre la Convention et les protocoles. Cela implique ensuite de réfléchir à des modalités d'imposer cette mise en œuvre. À l'heure actuelle, les procédures prévues par les conventions pour les mers régionales quant au suivi du contrôle des obligations sont le plus souvent faiblement coercitives. Le droit international peut ainsi apparaitre imparfait " en raison, sinon de l'absence, du moins de la criante insuffisance des mécanismes de sanction " [Weil, 1982]. La question est particulièrement complexe. D'un côté, il paraît difficile de " mener des actions de coercition morale et politique [...] et [...] de coopérer de façon confiante avec les mêmes États [...] " [Chabason, 1999]. De l'autre, il semble aujourd'hui nécessaire de repenser les systèmes régionaux pour éviter l'écueil des " protocoles de papiers ", adoptés, ratifiés mais trop peu appliqués.
Conclusion
Depuis près de quarante ans, l'approche régionale de préservation du milieu marin n'a cessé de se développer : impliquant aujourd'hui une centaine d'États, elle s'est progressivement imposée comme une échelle de régulation pertinente, permettant notamment d'aller plus près, plus loin et plus vite que le cadre global. D'un point de vue environnemental, les mers régionales ont connu, et connaissent encore, certains succès importants. En mer Baltique par exemple, la coopération régionale a permis de considérablement restaurer la qualité du milieu marin. En Méditerranée ou dans les Caraïbes, ce sont les aires marines protégées qui ont été multipliées. Dans l'océan Indien occidental, les États devraient prochainement se doter de règles communes pour le développement de leurs franges côtières. Incontestablement, les cadres de coopération régionale permettent de mener des avancées significatives en faveur du milieu marin. Il convient néanmoins de reconnaître que les initiatives régionales souffrent encore trop souvent des mêmes maux que les mécanismes globaux : le déficit de coordination institutionnelle, le manque de moyens pour faire vivre la coopération, le non-respect des instruments juridiques adoptés entravent encore largement l'efficacité des actions. C'est à ces défis que les mers régionales devront répondre au cours des prochaines années pour conserver leur plus-value au sein de l'architecture internationale de gouvernance des océans.
Les mers régionales et leurs institutions
La structure institutionnelle des mers régionales : quelques exemples
Organismes régionaux, pêches et mers régionales